A l'occasion de la sortie de l'édition limitée de la démo, j'ai écrit une petite bafouille sur l'évolution du sampling et de sa perception. Ce texte figurera sur les notes de pochettes du double CD qui accompagnera la démo, destiné aux fans hardcore.
En voici une copie :
"...et puis il y eut les frères Dewaele...
Avant eux, bien sûr ; il y avait eu Malcolm McLaren ; The Art of Noise ; Massive Attack ou Portishead : autant de pirates piochant sans vergogne dans les somptueux trésors des « golden sixties » ou des moites seventies. Autant de Robin des Bois redistribuant au commun des mortels, ces richesses réservées à un cercle d'initiés...
Depuis mes premiers balbutiements musicaux (1986), j'ai toujours été séduit par cette démarche. Un des titres de mon tout premier groupe était construit sur une boucle de « Buffalo Galls », utilisée quelques années plus tard par Neneh Cherry sur le single « Buffalo Stance ». Au moins, je n'étais pas dans l'erreur... A cette époque, pourtant, le « sampling » était souvent considéré comme une technique de plagiat et son utilisation, qualifiée de pratique honteuse...
Au milieu des années 90, Moby allait casser la baraque avec deux albums ayant recours à l'utilisation de samples « historico-ethniques ». Des chants traditionnels indo-afro-américains à l'origine du blues, sur lesquels il greffa quelques rythmiques dans l'air du temps. On commença alors à trouver des vertus culturelles à cette démarche. Le sample comme application moderne de la tradition orale... Pourquoi pas...
Mais les frères Dewaele apporteraient une autre dimension à tout cela.
Quand, en 2002, sort l'album des 2 Many Dj's « As heard on Radio Soulwax » ; une véritable révolution musicale s'enclenche. Le livret intérieur du CD est une incroyable succession de crédits et de copyrights. Pour cause : l'album n'est constitué que de morceaux d'autrui ; savamment mixés, remixés, coagulés dans le groove. Un disque en fusion. Ce grand foutoir (que les plus avertis appellent « Mash-Up ») qui doit autant au rock qu'à la DJ Culture ; est une des choses les plus passionnantes qui soit arrivée à la musique pop du 21e siècle. Ici, on est clairement dans une nouvelle forme de virtuosité. On parlera désormais de recyclage haut-de-gamme. Plus de plagiat.
Sans avoir la prétention de rivaliser avec DJ Shadow ou l'école Soulwax ; je ne pouvais concevoir mon retour aux affaires autrement...
Mais pour le musicien que je ne suis pas vraiment ; il allait falloir surmonter un obstacle de taille : le manque de confiance.
Alors...il y eut Stromae : sa totale décomplexion et ses fabuleuses leçons de musique sur Youtube. Ce disque lui doit beaucoup.
En dix ans, la manière d'appréhender la composition musicale a considérablement changé. Les logiciels de M.A.O. ont simplifié la donne et les manchots de mon espèce sont devenus borgnes au royaume des aveugles...
« Voyageur Lambda » ; son rythme qu'on croirait sorti de l'album « Blue Lines » ; ses mandolines évoquant le « Yo Soy de America » de Carlos Maza et son enchevêtrement de samples (piochés dans des disques parus à plusieurs décennies d'intervalle) constitua le laboratoire de mes premières expériences.
Le reste a coulé de source. Comme par miracle.
La présente édition limitée reprend l'intégralité des samples utilisés sur le projet « Poisson Pirate ». Désir de rendre hommage, de partager.
A ce titre, Randy Washmatic aurait bien pu être un personnage sorti tout droit d'un roman de Nick Hornby... Sorte d'adolescent attardé qui n'a rien trouvé de mieux, pour communiquer, que de balancer des playlists et des watts... en ouvrant grand la fenêtre de sa chambre...
Les plus railleurs diront sûrement : « ouais, et sans tous ces morceaux de chansons piqués à gauche et à droite ; Randy : que reste-t-il de tes chansons ? »
Ce qu'il en reste ? La chose essentielle : une idée.
Sans idée, il n'y a pas de chanson... Edith Piaf qui sonne l'éveil pour Di Caprio et sa troupe dans le film « Inception » est sans doute la plus belle métaphore de la puissance d'une chanson. L'idée de perpétuer d'autres idées, en toute modestie ; est un des objectifs majeurs de ce projet vieux de 10 ans.
Et ce n'est pas un hasard si « Velours d'Ondes » - titre le plus référencé de l'album – cite Edith Piaf dans sa coda. Pas un hasard non plus si certain samples sont plus cinématographiques que musicaux. Le plaisir de s'offrir un casting de rêve allant d'Al Pacino à Louis Garrel en passant par François de Brigode et Miss France ne pouvait se refuser...
Les samples choisis couvrent une période assez vaste qui s'étend du début du siècle dernier (le Sospiri d'Elgar) à la présente décennie (Beck) en passant par les années 60 ( Nina Simone) , 70 (Françoise Hardy) ,80 (Pet Shop Boys, ZTT) 90 (Pulp, Primal Scream)...
Mais la véritable question qui me taraude est : ne vais-je pas décevoir tous ces maîtres à qui j'ai emprunté tant de joyaux sans leur consentement ?
Pour me rassurer quelque peu, je donnerai le dernier mot aux frêres Dewaele qui, sur la pochette de leur premier album écrivaient ceci : « ...there was no chance to find out who owns the rights to this track but sorry, it's too great to be hidden away. So if it's you, let us know. We'll give you a piece of the cake... »
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